La blanchaille, c’est comme la géopolitique, tout le monde en parle mais personne ne s’y connaît vraiment…
De fait, savoir suivre le poisson fourrage dans ses déplacements, interpréter son comportement et connaitre sa saisonnalité, ses connexions inter-espèces et sa relation à l’espace octroiera un avantage indéniable à tout traqueur de prédateur, amateurs de brocs et de sandre en tête.
Cet article se destine à ceux qui souhaitent commencer à étudier les proies de leurs carnassiers favoris afin d’être capables de faire la différence en milieu difficile ou face à des poissons rare et diffus. Si sur de grande surfaces, la connaissance des poissons fourrage était l’échosondeur de nos grands-parents, on regrettera que la plupart des “champions” ne soient plus capable de pêcher sans, comme s’est plu à le remarquer malicieusement Gaël Even.
Ici, il ne s’agit pas de connaître son ennemi mais son régime, et c’est tout comme ! Dis-moi où est ta nourriture et je saurai où tu te caches.
Les poisson fourrage, également appelés blanchaille ou poissons-appât, sont de petits poissons pélagiques principalement herbivores dont les prédateurs se nourrissent. En eau douce comme en mer, les poissons fourrages jouent le rôle d’interface énergétique en consommant la matière végétale et micro-organique mais aussi invertébrée et la transforment pour l’intégrer et la transmettre à leur tour aux prédateurs.
Ainsi les poissons fourrages occupent une place centrales dans les écosystèmes d’eau douce et d’eau salée, jouant le rôle de tampons vivants entre le règne végétal et le règne animal.
Mesurant en moyenne 15 à 20cm (≈ 6”), ces petits poissons-appâts constituent la plupart des poissons trouvés dans les étangs, lacs et rivières et font majoritairement partie de la famille des cyprinidés comme c’est aussi le cas de la perche.
La famille des vairons à elle seule, composée de vairons, de chevesnes, de ménés et encore de naseux, compte plus de cinquante espèces. Les autres poissons fourrages d’eau douce comprennent les meuniers, les killi, les aloses, les poissons osseux ainsi que les poissons de la famille des crapets, à l’exclusion des blackbass et des mariganes, et des espèces plus petites de la famille des carpes. Il existe également des poissons fourrages anadromes (migrant pour la ponte), comme l’eulakane.
Pour simplifier les choses, les espèces les plus répandues et les plus connues en France sont généralement les suivantes:
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la tanche
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le barbeau
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le chevesne
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le gardon
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l’ablette
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le rotengle
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la brème
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le goujon
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le carassin
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la perche juvénile (et oui…)
Pour se défendre face aux prédateurs, la poisson fourrage n’a d’autre option que la force du nombre et a donc développé un fort instinct grégaire, se déplaçant en banc plus ou moins nombreux afin de maximiser sa chance de survie et pour créer la confusion lors de fuites rapides et désordonnés.
Premier indice : la profondeur
En fonction du prédateur prospecté, il est essentiel de différencier deux principaux groupes de poissons fourrages, les mangeurs de profondeur comme le gardon qui se nourrit principalement de plantes et de petits organismes de lits et le rotengle ou le chevesne qui sont plutôt des mangeurs de surface (petits insectes et fruits flottants).
Le premier sera plutôt la cible de poissons furtifs tels que le sandre ou les très grosses perches, là où les seconds seront des proies de chasse pure sprint comme le brochet mais il ne faut jamais généraliser : l’attitude favorite de tout prédateur restant l’opportunisme.
L’œil attentif du pêcheur devra avant tout lire les va-et-vient des bancs afin de repérer les maraudeurs embusqués dans des trous d’eau, des sorties d’herbiers, des souches creuses et crevasses de berges.
Deuxième indice : température et saison
En automne et en hiver, lorsque le mercure baisse, les gardons et brèmes vont par exemple chercher une température constante dans les eaux centrales plus profondes et auront donc tendance à se regrouper à ces endroits… et les brochets ne seront pas loin, quadrillant un territoire qu’ils protégeront à tout moment.
En eau chaude, ça se complique: les poissons fourrages seront dispersés, généralement dans les zones les moins profondes, ce qui signifie que le brochet peut être n’importe où….
D’où l’importance de savoir suivre le “pattern” des rondes des poissons fourrages.
Troisième indice : les splashes
Qui n’a pas dressé l’oreille en entendant le splash indicatif d’une chasse ?
C’est le signe le plus évident d’une activité prédatrice. En eau très claires, il est même possible de voir le banc ciblé se briser et se diviser pour fuir de façon chaotique.
C’est donc à vous de déduire le lieu de regroupement le plus probable du banc, un peu comme le point de rassemblement incendie dans les hôtels !
Quatrième indice: la turbidité
Plus la turbidité de l’eau sera élevée, plus la visibilité des poissons fourrage sera réduite, ce qui aura une forte influence sur la mobilité des bancs, en particulier concernant les poissons qui se nourrissent au fond de l’eau et d’autant plus pour les plans d’eau à faible profondeur. Une eau fortement teintée verra donc ces bancs se déplacer beaucoup plus lentement et de manière plus sporadique, sachez donc transposer ce paramètre à la mobilité du prédateur que vous prospectez.
En hiver, la turbidité de l’eau a tendance à baisser en raison de la disparation des phyto et zooplancton, premier facteurs influençant la couleur de base d’un point d’eau.
Faites grandir votre pêche
Vous l’aurez compris, connaître l’écosystème d’un point d’eau et la constitution ainsi que le comportement de son fourrage sont autant d’atouts qui vous permettront de renforcer votre instinct de pêche de manière complémentaire à votre panel technique. Que vous soyez en zone urbaine ou rurale, n’hésitez donc pas à consacrer un peu de temps à observer cet écosystème pour tenter d’en comprendre le fonctionnement, une partie de l’essence de l’art halieutique réside dans cet effort généreux !