C’est une évidence depuis les dix dernières années : la pêche moderne est devenue beaucoup plus sensible aux problématiques environnementales et plus respectueuse du vivant. Les écosystèmes halieutiques en dangers, la surpêche et de manière plus générale l’impact de nos civilisation sur la planète prennent une part grandissante dans les préoccupations du pêcheur contemporain. Au cœur de cette tendance émerge évidemment la pratique du no-kill. Cet article est l’occasion pour nous de faire le point sur cet état d’esprit, sa raison d’être mais aussi les bonnes pratiques qui l’accompagnent au quotidien.
De nos jours, en particulier en Europe, la pêche sportive est hautement régulée, protégée par de nombreux organismes publics et privés et la plupart des pratiquants comprennent aussi la nécessité de payer une licence dont le prix (au moins une partie…) permettra d’investir dans les milieux halieutiques, d’en favoriser la croissance et de les préserver pour les générations futures.
Si il est admis que la pratique du no-kill compose aujourd’hui la majorité des sessions de pêche en Europe occidentale, les nouvelles générations de pêcheurs cherchent cependant à aller plus loin à travers des modes de captures et de relâcher toujours plus respectueux du poisson, poussant plus en avant une pêche purement sportive, où la beauté du geste premier n’est pas définitive et permet de rendre à la nature ce que le pêcheur lui a ravi, l’espace d’un instant d’éternité, en connexion avec son instinct ancestral mais dans le respect du vivant.
Bien que la plupart des pêcheurs soient de bonne volonté et fassent de leur mieux, il n’est cependant pas toujours aisé de déterminer quelles sont les meilleures pratiques de relâcher et les erreurs à éviter, en particulier lorsque l’on débute la pratique. Cet article a ainsi pour but de favoriser les meilleurs gestes afin de maximiser les chances de survie post-capture tout en réduisant le stress de la manipulation au minimum.
Catch And Release:
Pourquoi pêcher en no-kill
Comme tout sport, la pêche comporte un aspect orienté compétition et performance. Ainsi, si la plupart d’entre nous rêve de casser son record année après année, la popularité grandissante du sport, notamment en zone urbaine avec l’essor du street fishing doit nous faire poser la question des niveaux de population halieutique que nous visons chaque jour.
Il est fondamental de rappeler que la fragilité actuelle des écosystèmes génère des niveaux de population à peine suffisants dans certaines zones, d’où la nécessité de pratiquer le no-kill en majorité.
Quelques idées reçues
Avant même d’aborder la ou les bonnes techniques de relâcher il est important de rappeler une chose : aussi bien portante qu’ait l’air votre prise, rien ne vous garantit sa survie une fois de retour dans les profondeurs. J’ai toujours pour ma part un sentiment mitigé lors de la remise à l’eau : le niveau de stress fut il suffisamment bas ? Ai-je manipulé trop longtemps ?…
Une chose est sûre : un long combat peut causer une surcharge de stress, déjà suffisante en elle-même pour mettre la vie du poisson en danger. Inversement, un combat trop court avec un poisson sorti en force rendra aussi la manipulation délicate. A vous de trouver le juste milieu… quand vous le pouvez !
“Un poisson qui repart avec l’hameçon en bouche est condamné”. C’est faux : il n’est pas inutile de rappeler que les poissons ont un système de rejet par encapsulation via leur tissu cellulaire. Casser est donc parfois préférable à l’ultime combat qui mènera le poisson à sa mort, aussi glorieuse fut elle à nos yeux, l’hameçon pouvant être rejeté naturellement au bout d’une certaine période.
Faire des allers-retours au poisson en le tenant par la queue est contre productif et même dangereux en ce que cela oxygène les branchies dans le mauvais sens et “force” le retour d’eau dans le système branchial tout en emmêlant ses filaments. A la place, il suffit de faire aller le poisson vers l’avant dans l’eau et de le sortir lors du retour, sans dépasser le 3 ou 4 fois au delà desquelles le geste n’est plus utile.
Ce qu’il faut savoir avant de relâcher
Pêcher au vif est plus dangereux (et oui !) pour le carnassier qui aura tendance à mordre plus fort et plus longtemps avec pour conséquence un hameçonnage plus prononcé et bien souvent la mort par hémorragie. Un autre problème lié au vif : faire entrer une espèce non native ou non locale dans le milieu visé peut potentiellement y introduire bactéries et virus.
Sans surprise, les hameçons sans ardillons sont les plus faciles à utiliser et stressent beaucoup moins le poisson. Ils sont par ailleurs bien plus facile à retirer et ont moins tendance à percer les branchies ou les organes vitaux lors du combat, ce qui permet aussi d’une certaine manière d’offrir un confrontation plus loyale.
Idéalement, mouillez-vous les mains dans la même eau que la zone que vous pêchez avant de saisir la prise, cela évite de transmettre de mauvaises bactéries au poisson et protègera sa muqueuse. De même, écourtez au maximum votre séance photo afin de réduire le stress de l’animal hors de l’eau. L’utilisation d’un gant adapté est conseillée.
Si vous devez le mesurer, utilisez un tapis adapté à votre prise afin de réduire les risques de lésions au niveau de la muqueuse et posez d’abord la tête du poisson puis la queue. Da manière générale, il faut aussi éviter de serrer trop fort.
Les ouïes d’un poisson sont très sensibles, en particulier aux UV, veillez à les exposer le moins possible à la lumière directe du soleil.
Et SURTOUT : prenez votre temps lors de la manipulation, cela évitera de nombreuses chutes, souvent fatales en street fishing notamment, vous devinerez pourquoi…
Spécificités par espèces
Perche, sandre et bass
En premier lieu, eut égard à leur taille, il s’agit de poissons à la bouche sensible; il faut donc apporter un soin tout particulier si on doit les saisir par la mâchoire. On peut encore voir beaucoup de “bouches cassées” sur les photos de prises et une mâchoire est fracturée occasionnera des dégâts permanents chez le sujet relâché. Il est donc important de limiter cette prise et de positionner le poisson sur les deux mains.
Par ailleurs, même si cela peut sembler contre instinctif, on peut “choquer” le poisson en le laissant tomber et claquer sur la surface de l’eau afin de le réveiller sans que cela comporte de risque.
Ceci est particulièrement vrai lorsque vous remontez un poisson d’une bonne profondeur, qu’il vous faudra par ailleurs éviter de remonter trop vite afin d’éviter une surpression (syndrome des yeux exorbités chez le sandre…). A des profondeurs extrêmes, certains pêcheurs n’hésitent pas à percer la vessie natatoire à l’aide d’une aiguille afin de permettre la redescente du poisson…
Quelle que soit la situation, la façon dont vous racontez votre histoire en ligne peut faire toute la différence.
Brochet
Si il est admis que la meilleure méthode pour saisir un brochet de taille moyenne est de le saisir sur l’arrière de la tête, lui comprimant légèrement la jonction branchiale juste en dessous, il est important de rappeler qu’il ne faut jamais serrer trop fort, au risque d’endommager des organes vitaux du poisson. Comme toute autre espèce, attendez de recevoir des signes de départ (frétillement, kicks) avant de le laisser repartir.
Les plus gros sujets quant à eux sont à porter à deux main en prenant toujours soin de ne pas contorsionner la colonne vertébrale, pour ce faire, il faut garder une prise ferme à la base de la nageoire caudale et maintenir le poisson le plus droit possible en créant une légère tension entre les deux mains porteuses.
Carpe
Faites coulisser les mains en dessous de sa tête et de sa queue, en posant la première en crochet à hauteur de la nageoire pectorale et la deuxième avant la nageoire anale. Afin d’éviter toute chute, pensez à bien rebasculer le poisson comme un ballon de rugby sur l’arrière de vos avants bras dès qu’il commence à s’agiter.
Silure
Le cas du silure est un peu spécial : entièrement recouvert d’un mucus très épais et glissant, il vous faudra le saisir en pince par la mâchoire inférieure. Attention, le silure est connu pour ses “gator rolls”, il a tendance à tourner sur lui même en cas de danger et c’est là où vous pouvez vous blesser avec l’hameçon. De même, prévoyez des gants adaptés afin de ne pas vous faire marquer par le quadrillage de râpes placés sur leurs lèvres. Veillez à conserver un bon niveau d’humidité en le mouillant régulièrement afin de ne pas abimer sa peau, idem pour le tapis de réception ou de la bâche.
Au delà d’un mètre, il est par ailleurs préférable de laisser le poisson dans l’eau pour la séance photo car sa structure osseuse supportera difficilement son poids une fois hors de l’eau et le risque de fracture de la colonne vertébrale est alors élevé.