
Démocratique et non-discriminante par nature, la pêche ne choisit pas ses émules mais elle retient toujours dans ses filets l’homme qui aura fait l’effort de se laisser ferrer et de regarder la surface de l’eau sans arrière pensée. Fédératrice, elle réunit toutes les générations et si elle ne semble pas un sport rebelle de prime abord, aucune autre activité de plein air ne comporte cependant d’appel plus impétueux, d’invitation plus urgente à sortir de chez soi, à contempler avec gratitude le don que la nature offre à celui qui sait le recevoir. Intemporelle, la pêche aura échappé à toutes les maladies de l’urbanisation exponentielle, transcendant les barrières du temps pour nous reconnecter avec nos racines de chasseur-cueilleur, tout en faisant sienne les avantages innovatifs que l’ère industrielle pouvait lui offrir.

Peu d’activités sont à même de nous offrir la possibilité d’assouvir nos instincts primaires de chasseurs sans pour autant avoir besoin de tuer, conférant au pêcheur une relation unique avec le vivant mais aussi une mission vertueuse de préservation et de protection.
C’est ce processus de prospection/chasse/relâcher que le street-fishing est par ailleurs venu sublimer, aux portes du bureau de cadres urbains qui le temps d’un déjeuner, revêtent avec soulagement la tunique du coureur des bois en quête de poisson afin de se recentrer sur eux-mêmes, transposant leur esprit dans le leurre qu’ils lancent dans les couches d’eau, à la recherche de leur identité première.
Si le street-fishing séduit autant, c’est surtout parce qu’il est en opposition directe avec la distraction constante dans laquelle l’urbanisation autour de laquelle s’articulent les sociétés modernes plonge le citadin.
Nous nous reposons sur les supermarchés pour nous procurer nourriture et produits de première nécessite alors que ceux-ci ne produisent rien.

Avec les réseaux sociaux, nous n’avons jamais été aussi distants les uns des autres malgré la proximité qu’offre la ville et ses ruches de béton. Nous sommes surtout vulnérables: à la merci des premières pénuries, prisonniers des congestions en cas de catastrophe, en première ligne face au épidémies.
Face à cette fragilité, pêcher est un acte d’homme debout, permettant de reprendre le contrôle au sein d’une simili chasse où le rapport à la vie s’établit sans avoir à tuer mais où le street-fisher garde en mémoire l’impression d’un début d’autosuffisance, d’une capacité technique à se procurer de la nourriture en cas de nécessité, tout en tissant des liens avec d’autres pêcheur-cueilleurs partageant ses valeurs, tribu connectée aux horizons ancestraux.